Depuis quand y a-t-il une maternité à MSA ?
Si vous êtes en train de chercher la date de fondation du Belvédère, vous faites fausse route !
Car un autre établissement l’a précédé à Mont-Saint-Aignan : le « refuge » Boucicaut. Découvrez l’histoire de cette maternité exclusivement réservée aux mères célibataires.
Avec 3200 naissances en moyenne chaque année, le centre hospitalier du Belvédère est l’une des premières maternités de Normandie et sa réputation dépasse les frontières de la métropole rouennaise. C’est pourtant la maternité Boucicaut, inaugurée en 1898 – soit vingt et un ans avant le Belvédère–, qui fut bel et bien la première maternité montsaintaignanaise.
Son histoire commence avec l’extraordinaire success story d’un couple d’entrepreneurs français : Marguerite et Aristide Boucicaut, les fondateurs du magasin Le Bon Marché. Par testament, leur immense fortune fut en effet léguée à des œuvres charitables, dont plusieurs « maisons de refuge pour les filles mères ».
Marguerite & Aristide Boucicaut, bienfaiteurs de la ville

Élaborant peu à peu le concept de grand magasin (large assortiment, renouvellement rapide des produits, faible marge, prix indiqués sur une étiquette, accès direct, publicité…), ils rachètent en 1863 les parts de leurs associés moins audacieux et agrandissent leur magasin : Le Bon Marché. En 1877, c’est une entreprise de près de 2000 employés, sur 50 000 m², qui réalise chaque année 72 millions de francs de chiffre d’affaire. Arrivés au faîte de la fortune, les Boucicaut n’oublient pour autant pas leurs origines et innovent aussi dans la gestion de ce qu’on appellerait aujourd’hui les « ressources humaines », mettant en place plan d’épargne, sécurité sociale et congés maternité pour leurs employés.


Un héritage de cent millions !
À la mort d’Aristide, en 1877, le principe des grands magasins, qui préfigure les grandes surfaces, est définitivement installé dans le paysage commercial de Paris, au point d’inspirer, avec Au bonheur des dames, un roman à Émile Zola. Le magnifique bâtiment du Bon marché, à la pointe de la modernité, est un ainsi un lieu de promenade, doté d’un salon de lecture, où l’on offre des échantillons aux clients et des ballons aux enfants, où l’on peut toucher les produits et rendre ceux dont on n’est pas satisfait. L’entreprise se lance aussi dans la vente par correspondance, avec le premier catalogue à diffusion mondiale et multiplie les supports publicitaires.
Inspirée par les idées du catholicisme social de Lamennais, Marguerite ouvrira, après le décès de son époux, le capital du Bon Marché aux employés, qui deviennent ainsi actionnaires de l’entreprise. Elle meurt sans descendance le 8 décembre 1887 dans sa villa de Cannes et lègue par testament sa fortune de plus de cent millions de francs aux employés du Bon Marché et à de très nombreuses œuvres sociales.

Une fortune en héritage
Morts sans descendance directe, les Boucicaut lèguent l’intégralité de leur immense fortune à leurs employés d’une part, et à des œuvres de charité d’autre part. Par son testament du 16 décembre 1886, Marguerite désigne l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris comme légataire universelle, qui doit exécuter ses dernières volontés testamentaires.
Près de 20 millions sont ainsi distribués au personnel du Bon Marché, des œuvres d’art sont offertes aux musées, des legs sont faits à des institutions d’aide aux ouvriers et aux artistes, à des maisons de retraite, à l’institut Pasteur, etc. Un hôpital est créé rive gauche à Paris – l’hôpital Boucicaut. Née dans la misère, de père inconnu, Marguerite laisse 2 615 000 Fr. pour l’établissement de maisons-refuges pour jeunes mères célibataires.
Ses instructions concernant ces maternités sont très précises : « Je veux que, par les soins de l’Assistance publique, il soit fondé aux environs des trois villes suivantes : Lille, Rouen et Chalon-sur-Saône, au point que désigneront mes exécuteurs testamentaires, trois maisons en tout, avec terrains adjacents, aménagées pour recevoir, au moment de leurs couches, et pendant le temps qui les suivra, nécessaire à leur rétablissement, les femmes non mariées, ni veuves, de nationalité française qui auront eu, pour une première fois, le malheur de se voir séduites… Elles y recevront gratuitement la nourriture et les soins nécessaires. Elles devront quitter la maison de refuge, quand, sur l’avis préalable du médecin, il en sera ainsi ordonné par le directeur. Celui-ci leur remettra à leur sortie, une somme de 20 francs. Ces refuges seront aménagés pour contenir chacun dix lits de malades, chacune ayant sa chambre, spacieuse, aérée, isolée, pour elle et son enfant… »
Mont-Saint-Aignan sélectionné !
Quand il apprend que l’Assistance publique cherche un lieu à acquérir dans les environs immédiats de Rouen, Pierre Bazière, maire de la ville de 1884 à 1894, remue ciel et terre pour que l’établissement s’installe un Mont-Saint-Aignan. Posant officiellement sa candidature au préfet en 1888, il sonne à toutes les portes pour obtenir des soutiens et voit son opiniâtreté récompensée en 1890. Avec les 215 000 francs consacrés à ce projet, l’Assistance achète une propriété de quatre hectares et entreprend les travaux en 1894, à l’angle des actuelles rue Boucicaut et rue Sainte-Venise.
Imaginé par l’architecte Gosselin, le bâtiment est fait de lignes simples et conçu de manière optimale, dans le respect des règles d’hygiène de l’époque. Au rez-de-chaussée sont installées une salle d’enfantement, quatre chambres, une pharmacie, une cuisine, une salle à manger… À l’étage, prennent place six autres chambres, une salle de bain et une chambre de garde. La vaste demeure qui existait sur la parcelle est conservée comme logement de fonction pour le directeur et les religieuses (dans des logis distincts !) et une partie des communs fut remaniée afin de servir notamment de « vacherie ».
Le maternité Boucicaut.
DR.
